Le Souper de Brisville : duel politique au Poche-Montparnasse
LE SOUPER DE JEAN-CLAUDE BRISVILLE | Théâtre de Poche-Montparnasse
Mise en scène : Daniel et William MESGUICH | du 6 janvier au 4 mars
Le 6 juillet 1815, Fouché (alors Président du gouvernement provisoire) et Talleyrand (Ministre des affaires étrangères) se retrouvent pour un dîner hors du commun. Un mois à peine après la défaite de Waterloo, les troupes du duc de Wellington sont dans Paris. Dans cette soirée imaginée par Jean-Claude Brisville, les deux hommes, adversaires et rivaux, vont devoir s’entendre sur le futur régime de la France. Rétablir la monarchie ? Instaurer une République ? Chacun possède ses arguments et intérêts et les deux hommes, de nature et de milieux peu semblables, ne manquent pas de répartie. S’entament alors des négociations musclées dans un cadre totalement informel.
En 1989, le Souper de Jean-Claude Brisville interprétée par les magistraux Claude Rich et Claude Brasseur au Théâtre Montparnasse puis adaptée au cinéma, fait la quasi-unanimité. En 2015 à la Madeleine, le duo Niels Arestrup / Patrick Chesnais est moins convaincant (NDLR : ce n’est que mon avis). On en attendait donc beaucoup de la version des Mesguich. Pari réussi, Daniel et William Mesguich incarnent les deux hommes politiques avec brio et signent une mise en scène. Dans un intérieur bourgeois, l’appartement de Talleyrand, les deux hommes vont s’affronter à coup de rhétorique. D’un côté un Talleyrand précieux, aristocrate efféminé aux mimiques évidentes, et de l’autre un Fouché rustre et austère. L‘interprétation est d’une extrême justesse, les deux personnages eux, sont finement caricaturés par leur maquillage excessif. Talleyrand a des allures de drag-queen, Fouché des airs de Dracula. Ce choix de mise en scène met en exergue les traits de ces deux maîtres du dialogue politique, dans un .
« Le pouvoir a enfanté ces deux monstres, et voici que c’est à eux qu’appartient aujourd’hui de démêler les fils inextricables du destin de la France » William MESGUICH.
La force de cette adaptation est donc aussi bien dans l’interprétation que dans la mise en scène. Dans cet appartement presque lugubre, on assiste à une discussion qui, bien qu’imaginée de toute pièce, va changer le cours de l’Histoire. A ce dialogue poignant s’ajoutent les cris du peuple qui retentissent aux fenêtres. La salle confinée du Théâtre de Poche se prête parfaitement à cette mise en scène de la conversation entre Talleyrand et Fouché (là où la salle de la Madeleine manquait certainement d’intimité). On se croirait dans le salon de Talleyrand, comme prenant part à ce débat historique. En complète immersion, le spectateur aimerait presque exprimer son avis sur le régime à donner à la France. Mais l’Histoire décidera elle-même du reste…