Médée d’après Euripide à la Comédie Française
Fille du roi de Colchide et d’une Océanide, Médée use de ses pouvoirs pour aider Jason, dont elle est tombée amoureuse, à conquérir la Toison d’or. Elle sera ensuite rongée par un désir de vengeance quand Jason décide de l’abandonner pour Créüse, la fille du roi de Corinthe. Lisaboa Houbrechts propose une mise en scène de la tragédie d’Euripide aussi déroutante que prodigieuse.
De l’amour au chaos
Le spectacle n’a pas commencé que l’on entend déjà un cri. L’atmosphère est pesante et cette tension constante rythme l’ensemble du récit tragique de l’inconsolable Médée. L’esthétique est presque parfaite, on est partagé entre la beauté des décors et l’horreur de ce qu’ils racontent, un sentiment paradoxal envahit le public de la salle Richelieu. « Il y a de la beauté dans la blessure et c’est cette beauté que je voulais montrer » précise la metteuse en scène. C’est donc un splendide et effroyable spectacle auquel nous assistons. Rongée par la haine et aveuglée par l’amour, Médée va assassiner Créüse et égorger ses propres enfants. « L’amour et le chaos sont la face d’une même médaille » ajoute Lisaboa Houbrechts.
Folie destructrice
Tout dans cette adaptation n’est qu’ambiguïté et tensions. A commencer par l’ambiance sonore et musicale, incarnée par les Choeurs de Colchide, de Corinthe et d’Athènes (on note la performance vocale exceptionnelle et envoûtante de Serge Bagdassarian). Séphora Pondi est époustouflante en Médée dévorée par la colère et par son amour pour Jason (Suliane Brahim), tandis que Léa Lopez ensorcelle le public dans la peau d’une inquiétante Aphrodite. Toute cette tension est rythmée par la présence du narrateur, la Nourrice, incarnée par Bakary Sangaré dont le rôle est presque celui d’un métronome. « Si seulement » répète la nourrice comme si ce tragique événement aurait pu être évité. « Si seulement » la folie destructrice de Médée ne l’avait pas engloutie. « Si seulement » l’amour ne l’avait pas rendu monstrueuse.
C’est un spectacle qui bouscule autant les lignes qu’il remue les esprits.
Médée d’après Euripide à la Comédie Française
Jusqu’au 24 juillet
Adaptation et mise en scène : Lisaboa Houbrechts
Avec : Serge Bagdassarian, Bakary Sangaré, Suliane Brahim, Didier Sandre, Anna Cervinka, Elissa Halloula, Marina Hands, Séphora Pondi, Léa Lopez, Sanda Bourenane, Yasmine Haller, Ipek Kinay