Bérénice de Racine à la Scala Paris
Titus et Bérénice sont amoureux de longue date. Titus a même promis le mariage à sa reine de Palestine. Mais dès qu’il monte sur le trône, à la mort de son père Vespasien, Titus comprend que Rome n’acceptera jamais une reine étrangère pour régner à ses côtés. Il doit donc choisir entre amour et pouvoir et renonce à Bérénice. Antiochus, l’ami de Titus et amoureux en secret de Bérénice depuis longtemps, avoue son amour à la reine et décide de quitter Rome. Mais Titus lui demande de la soutenir et de l’accompagner, ce qui redonne un espoir vain à Antiochus. Cette tragédie est une histoire d’amour sans issue. Nos deux protagonistes accepteront héroïquement de suivre leur destin sans se donner la mort.
Dans l’ambiance feutrée de la magnifique salle de la Scala, le public est bouche-bée. La mise en scène ultra-moderne de Muriel Mayette-Holtz (directrice du Théâtre de Nice et ancienne administratrice de la Comédie Française) tranche avec l’image qu’on peut se faire d’une tragédie racinienne. Dans un intérieur contemporain, une chambre avec une immense fenêtre, le jeu de lumière est éblouissant. Muriel Mayette Holtz joue avec les contrastes, plonge le spectateur dans une ambiance feutrée puis très sombre, au rythme de la tragédie. Accompagnée d’une ambiance musicale choisie avec minutie, le spectateur entre dans la tragédie bien connue de ce triangle amoureux. Titus est en costard-cravate, Bérénice en nuisette : on ne pouvait faire plus contrasté. Ces personnages habillés comme le commun des mortels déclament des alexandrins dans un décor aux allures d’un hôtel 4 étoiles. C’est aussi déconcertant que maîtrisé. Titus (Frederic de Goldfiem) et Antiochus (Jacky Ido) sont incarnés et charismatiques. Bérénice va crescendo, dans ce personnage au départ un peu fragile, incarné par la grandeur et l’élégance de Carole Bouquet. La reine de Palestine incarne la voix de la raison face à celle du sacrifice de Titus pour Rome. Félicitons la prouesse de transformer ce classique en une pièce moderne d’une heure et demie, sans dénaturer le drame original. Muriel Mayette-Holtz était certainement la mieux placée pour réussir ce pari.