Electre / Oreste : le drame sanglant d’Ivo Van Hove
Ivo van Hove associe deux pièces d’Euripide qui racontent l’histoire d’Électre et d’Oreste ou comment un frère et une sœur se retrouvent et s’unissent dans la vengeance.
Jusqu’où peut-on aller par amitié ? La vengeance a-t-elle ses limites ? Electre, son frère Oreste et leur ami Pylade ont soif de vengeance. Pour les uns, ils veulent venger leur défunt père Agamemnon, assassiné par sa femme Clytemnestre et par son amant Egisthe. Pylade, quant à lui, a un besoin d’exister, d’appartenir à un groupe, qu’ils soient frères ou assassins.
Folie meurtrière
Electre et Oreste vont d’abord tuer leur mère et leur beau père, dans des circonstances atroces. Le frère et la soeur se radicalisent, deviennent cruels à l’extrême. Après le meurtre de leur mère, ils attendent leur jugement : vont-ils être condamnés à la mort ? Oreste délire, ne supporte pas son matricide. En l’observant, interprété par Christophe Montenez, on ne peut s’empêcher de penser au personnage de Martin qu’il incarnait dans les Damnés. Comme dans l’adaptation de Visconti, il sombre dans la folie. Sa folie meurtrière l’engloutit, à l’image du sol de boue dans lequel il s’enfonce sur scène devant nos yeux.
De la boue et du sang
Sur la scène de la Salle Richelieu, un sol de boue devant nos yeux. Rappelons que l’Electre et l’Oreste d’Euripide n’ont pas le même terrain de jeu. L’un se passe dans un milieu rural et l’autre devant un palais de la ville d’Argos. Dans leur espace scénique, Jan Versweyveld et Ivo Van Hove ont souhaité faire cohabiter ces deux univers. Le milieu rural, et certainement le chaos, sont représentés par ce sol couvert de boue dans lequel les comédiens peuvent s’enfoncer. Le faste et la richesse du palais sont matérialisés par les costumes bleus rois des personnages les plus puissants. Au milieu, une arche noire et une porte. C’est la porte derrière laquelle tout bascule. Elle matérialise une sorte passage du monde réel à l’enfer, de la raison à la folie. Elle trône comme une montagne à gravir, un obstacle à franchir.
Un peu de longueurs en musique
Soulignons d’abord, comme à leur habitude, le jeu transcendant de Suliane Brahim (Electre) et de Christophe Montenez (Oreste). Ils nous transportent complètement dans leur tourbillon de folie vengeresse. Ivo Van Hove signe une mise en scène musicale (des timballes accompagnent l’ensemble des scènes, leur donnant totalement corps) et minutieusement chorégraphiée. Si le temps est parfois un peu long (c’est l’effet tragédie grecque qui ne termine jamais), le metteur en scène nous transporte encore une fois au coeur du chaos, dans une tragédie dramatique dont la souffrance est palpable.
Electre / Oreste à la Comédie Française
Mise en scène d’Ivo Van Hove
Jusqu’au 3 juillet en Salle Richelieu