Angels in America : sublime drame à la Comédie Française
5 ans après Père d’August Strinberg, Arnaud Desplechin revient à la Comédie Française et met en scène Angels in America de Tony Kushner, tout juste entré au répertoire. Avec Angels in America, Desplechin signe une mise en scène dramatique complexe. Absolument sublime.
Nous sommes à New York en 1985. Dans quelques années, le monde va changer. Tchernobyl et la chute du mur ne sont plus très loin. Mais les années 80 aux Etats-Unis sont marquées par le fléau du SIDA. Les années Reagan surtout, marquée par le déni d’une maladie qui touche essentiellement les homosexuels. Une maladie qui coûterait trop cher à soigner. Dans cette sombre histoire, Prior apprend qu’il est atteint du virus. Louis, l’amant de Prior, ne supporte pas la nouvelle et s’éloigne. Il rencontre Joe, un mormon gay refoulé qui vit avec Harper, psychologiquement atteinte depuis quelques années. Puis il y a Roy Cohn, l’avocat juif, homme de pouvoir homosexuel et homophobe à la fois. Roy vit dans le déni de sa contamination du virus du SIDA.
Histoire de la mort
Angels in America, c’est l’histoire sans fin de la mort. Les 23 personnages de la pièce sont tous, de près ou de loin, confronté à la mort. La pièce s’ouvre sur un cercueil. La mort par la maladie ou la mort de l’amour. Prior (Clément Hervieu-Léger) est certainement le personnage le plus désespéré, condamné à mourir seul et en souffrance. Tout comme Roy (l’épatant Michel Vuillermoz), l’avocat juif et homosexuel, persuadé de n’être ni l’un ni l’autre et incapable d’assumer ses relations avec les hommes. Mourir seul, dans le déni. Joe (Christophe Montenez) reste un personnage mystérieux, le mormon qui découvre qu’il n’a jamais assumé d’aimer les hommes. Républicain convaincu, jeune homme torturé. Louis (Jérémy Lopez) est tout l’inverse de Roy Cohn, c’est un juif homosexuel qui aime la vie. Enfin il y a Harper, douce et folle interprétée par Jennifer Decker. Tous sont heurtés par la vie, par l’amour, par la maladie. Florence Viala est l’Ange de l’Amérique. Dominique Blanc le rabbin, la mère, l’Ange… Sans oublier le délicieux Gaël Kamilindi. Aucune erreur de casting dans Angels in America, les comédiens du Français habitent chacun leur rôle avec dextérité.
Comme au cinéma
Dans cette ambiance apocalyptique, Arnaud Desplechin use d’un dispositif théâtral original. Partagée en deux, la scène accueille deux actions simultanées. Un split-screen très cinématographique. On se sent parfois comme au cinéma, les scènes sont rapides et la mise en scène use de nombreux écrans. On se trouve à Central Park ou devant la Fontaine Bethesda, comme en immersion. Les Anges volent, apparaissent dans des nuages de fumée. Comme au cinéma, mais avec tous les charmes du théâtre : on voit un Ange délicatement se décrocher des câbles. Angels in America, c’est une scénographie complète et complexe. Presque autant que toutes les histoires qui s’entremêlent dans ce récit. Références religieuses, politiques ou historiques se mélangent.
Angels in America est une merveille, autant qu’un drame. A voir absolument à la Comédie Française.
Angels in America
Jusqu’au 27 mars à la Comédie Française
De Tony Kushner mis en scène d’Arnaud Desplechin
Avec la troupe de la Comédie Française Florence Viala, Michel Vuillermoz, Jérémy Lopez, Clément Hervieu-Léger, Christophe Montenez, Jennifer Decker, Dominique Blanc, Gaël Kamilindi