Les poupées persanes : une histoire de liberté
C’est l’histoire de quatre universitaires dans l’Iran des années 70, celle d’un groupe de jeune dont la vie va basculer, en même temps que la chute d’un régime politique qui laissera place à la république islamique. C’est aussi l’histoire d’une famille française en vacances à Avoriaz et qui s’apprête, non sans peurs et sans doutes, à fêter l’an 2000. Les poupées persanes, c’est une histoire d’amour, de guerre et de révolution, mais surtout une belle histoire de famille et de transmission.
1971. Téhéran
La pièce s’ouvre comme un conte poétique. « Il était une fois » murmure Azize Kabouche dans son rôle de conteur, en perse. Il était une fois la jeunesse de Téhéran en 1971, à l’aube de la révolution. Bijan (Sylvain Mossot) et Manijeh (Aïda Asgharzadeh, aussi l’auteur) se rencontrent à l’université, lui étudie la musique et elle les mathématiques. Lui est un pacifiste, réfugié dans ses cours de solfège, elle rêve de liberté et défend l’émancipation des femmes. Dans le Livre des Rois, épopée qui retrace l’histoire de l’Iran, Bijan et Manijeh sont prêts à tout pour vivre leur histoire d’amour. Nos deux étudiants amoureux, épaulés par leurs amis le révolté Manoucher (Kamel Isker) et la douce Sepideh (Ariane Mourier, Molière de la révélation théâtrale en 2019), vont vivre et survivre aux dernières années du règne du dernier chah d’Iran, jusqu’à l’arrivée au pouvoir de l’ayatollah Khomeini, en 1979.
1999. Avoriaz
Puis, changement d’ambiance, d’époque et de décor, nous voilà transportés à l’aube d’une autre révolution tant attendue, celle du passage à l’an 2000. Françoise (Toufan Manoutcheri) et ses deux filles arrivent à Avoriaz, non sans certaines réticences à l’idée de passer le nouvel an dans le froid d’un chalet de montagne. Avec elles, le (trop) serviable Jean-Farouk (Azize Kabouche) et son jeune fils Haroun. Les poupées persanes suit les traces de ces deux familles que tout semble opposer, à vingt ans d’intervalles et dans des pays radicalement différents. A quel moment leurs destins vont-ils se croiser ?
Comme un témoignage
Dans une remarquable mise en scène, Régis Vallée use de quelques éléments de décors interchangeables et ingénieux pour nous transporter du coeur de Téhéran au hall de l’aéroport d’Orly, d’une prison iranienne à une boîte de nuit d’Avoriaz. Cette mise en scène « puise son inspiration dans l’univers du conte, nous serons dans l’évocation, dans l’imaginaire et dans le ludique« , précise-t-il. A cela s’ajoute la riche et passionnante histoire personnelle d’Aïda Asgharzadeh, qui résonne ici comme un témoignage de l’auteur :
« J’ai compris que mes parents avaient vécu sous la contrainte, qu’ils avaient défié une dynastie, participé à une révolte (destituer la monarchie), puis lutté contre une révolution (islamique), qu’ils étaient des résistants, des intellectuels, des évadés, des recherchés, des exilés. Qu’ils avaient abandonné toute leur vie et qu’ils étaient partis parce qu’ils avaient choisi la liberté »
Les poupées persanes fait à la fois rire et verser une larme. En plus d’un récit authentique, c’est une pièce virevoltante menée par des comédiens aussi incarnés que talentueux. Dans un profond du détail (de la minutie des décors à la finesse des costumes), elle mêle une ambiance à la fois poétique et musicale. Une histoire d’amour, de famille et de liberté. Un vrai bijou, à voir absolument.
Les poupées persanes au Théâtre des Béliers Parisiens
d’Aïda Asgharzadeh mis en scène par Régis Vallée
Avec Aïda Asgharzadeh, Kamel Isker, Azize Kabouche, Toufan Manoutcheri, Sylvain Mossot, Ariane Mourier