L’inversion de la courbe au Théâtre de Belleville

L’inversion de la courbe raconte la descente aux enfers d’un homme à qui tout réussissait. Partout où il passe, les chiffres le disent, Paul-Eloi est au sommet. Lorsqu’il se fixe des objectifs, c’est pour les atteindre et les dépasser. Tout dans sa vie est en pleine croissance, autant qu’une célèbre courbe qui commence à l’inquiéter. 

Un projet artistique et inclusif

Samuel Valensi nous raconte, dès les premières minutes, la rencontre qui a inspiré ce spectacle. Une rencontre qui a bouleversé sa vie et sa manière de voir le monde qui l’entoure. C’est en discutant avec un bénéficiaire des Petits Frères des Pauvres que Samuel Valensi a rédigé son texte et construit son projet. L’inversion de la courbe est l’histoire d’un déclassement social fulgurant. D’une ascension professionnelle et personnelle à une chute vertigineuse. C’est aussi un véritable projet artistique et inclusif, il y invite chaque soir des bénéficiaires des minima sociaux et organiser des ateliers d’improvisation pour ceux qui rencontrent des difficultés. 

Déclassement social

Dans la pièce, nous suivons l’histoire de Paul-Eloi, un jeune cadre dynamique comme les autres. Sorti tout droit d’une école de commerce classique, jeté dans une société bercée par le productivisme et la culture de la performance, il grimpe les échelons. Il devient directeur des ventes de son entreprise, ou plutôt « international sales manager ». Commercial, quoi. Dans sa vie professionnelle comme dans le sport, il performe, veut toujours exploser ses objectifs. Il s’achète un appartement un peu au-dessus de ses moyens, ne compte pas vraiment. Jusqu’au jour où tout s’écroule. Licenciement, chômage, dettes : l’engrenage sans fin vers le déclassement social. Vers ce jour où de « Quelqu’un », Paul-Eloi devient un vulgaire numéro de dossier administratif. 

Une mise en scène du productivisme

Côté mise en scène, un vélo sans guidon trône. Il est à lui tout seul le symbole de la recherche de la perfection, du dépassement de soi. Entre les scènes, des coach se succèdent, emploient les mêmes termes que les managers. Se fixer des objectifs, les atteindre, les dépasser. « Nous comptons tous et tout le temps : nos objectifs au travail, notre nombre de pas, notre rythme cardiaque, la vitesse moyenne de notre footing dominical »  souligne l’auteur. Le texte interroge non seulement notre rapport au travail, mais aussi notre rapport aux autres, la tendance générale à la compétition contre soi-même et contre les autres. Cette mise en scène du productivisme, représentée par un simple vélo d’intérieur, est à la fois simple et juste. Il y a aussi un vrai travail visuel dans cette mise en scène : l’espace s’étend, donnant une impression de mouvement. Paul-Eloi pédale, s’épuise, pour finalement ne pas avancer sur ce vélo d’intérieur qui symbolise tout son acharnement. 

Cette pièce est juste, parfaitement interprétée et résolument dans l’ère du temps. 

L’inversion de la courbe au Théâtre de Belleville
Texte et mise en scène de Samuel Valensi
Avec Michel Derville, Paul-Eloi Forget, Alexandre Molitor 
et (en alternance) Maxime Vervonck & June Assal
A voir jusqu’au 30 octobre du mercredi au samedi à 21h15 

Written by CharlotteHenry
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